5/4/12

Marthe Brodeur (Petit hommage poétique)



Pour Lyne, avec tendresse.





Marthe Brodeur

Marthe Brodeur

Le ciel.


Marthe regarde le ciel, là-haut, si haut et si grand. Et si spatial, toile de soie illuminée! Elle compte les étoiles, surtout les étoiles filantes. Une pour un souhait, un souhait grand et blanc et tendre comme un nuage de sucre. Je veux être heureuse.

Ça fait longtemps de ça, si longtemps mais le ciel est resté le même, les étoiles aussi. Et quand je vois une étoile filante je pense à Marthe.

Marthe adolescente.


Marthe Brodeur.

Elle était belle, comme toutes les femmes de cette époque-là, majestueuse même, élégante, coquette. Nos mères avaient toutes un style artistique, presque cinématographique. On dirait, à voir les photographies de ce temps, d'être devant des actrices inconnues perdues dans une spirale mystérieuse et silencieuse… A regarder Marthe je vois une femme  d’une énergie bleue, douce et forte à la fois, telle la mer en été. Comme toutes les femmes elle a eu des moments rêveurs, nostalgiques où tout semblait possible comme il semblait possible d’étendre les bras et de toucher les étoiles.


La belle Marthe.


Marthe avec une de ses soeurs.


Jeunesse.

Très tôt elle est devenue mère de ses frères et sœurs. Le ciel, était-il encore inondé d’étoiles, je me demande ? La vie est comme une suite de peintures à demi-finnies… Des joies, des peines, de moments étranges où tout semble fuir puis revenir. J’aime danser, qu’elle disait. Et elle dansait à la claquette, folle et libre et gazelle sauvage et libre. Elle était une danseuse aux yeux très noirs, profondément intenses. Ses jambes volaient comme si elles avaient, tout à coup, des ailes.



Marthe, un papillon.

J’ai connu des aventurières, des capitaines de bateau, des amazones, des lutteuses, puis j’ai connu Marthe, Marthe le papillon blessé. Je l’ai connue un samedi de septembre dans un hôpital, assise sur un lit le regard aussi beau et aussi intense que jadis sur les photographies que sa fille m’a passé. Elle m’a sourit, de ce sourire de papillon meurtri et doux. Je me souviens de lui avoir serré la main. Sa gentillesse et sa simplicité. Je ne savais pas qu’avec le temps elle deviendrait  ma belle-mère. Je ne savais pas que j’étais devant une femme extraordinaire, très courageuse. La vie, qui est un sentier lumineux, nous fait rencontrer des anges, parfois.




Marthe à l'Hôpital Grace-d'Arc.



Je veux danser !

Elle aimait danser de ses belles jambes, des jambes que mon époux a hérité, des jambes de gazelle joyeuse, des jambes bien formées aux beaux pieds de statue grecque, des jambes qu’un jour s'arrêteraient de danser, de marcher, de sentir, de voler. Elle dansait et de ses pieds Marthe frappait doucement et tenacement le plancher aux rythme d’une musique allègre, tenace et presque tribale, ses pieds sautillants et nerveux, ses muscles pleins d’énergie, son corps comme celui d’un animal heureux. Ses frères et sœurs claquaient des mains. Les garçons l’admiraient, surtout Maurice qui un jour serait son mari jusqu'à la fin de sa vie.


Marthe et Maurice





Marthe et Maurice, avec Claude


La vie, tout simplement.

Elle s’est marié, a eu des enfants, trois, les a élevés avec ce qu’elle était capable de donner. Parfois, les soirs, elle dansait le rock-en-roll avec Maurice et les enfants riaient. C’était un temps comme arrêté dans le temps, un temps hors du temps, un temps de quête, de moments durs, de difficultés, de lavage et repassage. Elle adorait étendre le linge sur la corde à linge, voir les draps voler au mouvement doux de la brise matinale. Peut-être qu’en regardant les draps elle imaginait des voiles sur un océan blanc, ou des ailes de albatros frôlant les rivages.





Marthe.

J’ai connu Marte dans un hôpital, encagée dans un lit jusqu’à la fin de sa vie, paralysée de la tête aux pieds, souriante, douce, tenace, forte. Il y a eu plusieurs hommes dans sa vie, Jerry le gentil et le triste, Terry, du Japon. Amoureux d’elle, de sa vitalité malgré ses ailes rompues. Elle ordonnait et dirigeait sa vie de sa prison claire, aussi blanche qu’un ciel nuageux.

Marthe et Terry.

Marthe et Jerry.


Un soupir.

Un jour elle est tombée en allant faire ses courses, un autre jour en faisant son lit. Est restée par terre jusqu’à l’arrivée de Maurice. En trois ans tout était comme dit, son corps comme gelé dans un mur où les soupirs n’ont même plus de sens.





Marthe, tout simplement.


Je l'ai connue puis je l'ai perdue, un oiseau est passé sur ma tête, frôlant mes cheveux.


Marthe et Maurice.



François, Claude, Lyne, Maurice et Marthe.







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